GDF SUEZ :”privilégier une approche globale et sectorielle en matière de partenariat énergétique”

Pour introduire notre “Zoom énergie”, nous publions une interview croisée de Thierry Ginioux, responsable de comptes, plus particulièrement en charge du “Pôle matériaux” et Jean-Christophe Tourel, en charge du programme d’ “efficacité énergétique” du groupe GDF SUEZ. Avec eux, nous abordons la manière dont un grand groupe, fournisseur de gaz et d’électricité, mène des partenariats avec les entreprises fortement consommatrices d’énergie. Une vision en amont, après l’ouverture des marchés et l’arrivée de nouveaux entrants dans le domaine de la fourniture d’énergie.

ICV-INDUSTRIE CÉRAMIQUE : APRÈS L’OUVERTURE DES MARCHÉS DE L’ÉNERGIE ET FACE À L’ARRIVÉE DE LA CONCURRENCE QUEL EST LE POSITIONNEMENT ACTUEL DE GDF SUEZ?

Jean-Christophe Tourel : « Nous avons adapté notre approche et nos structures commerciales en France afin de mieux correspondre à la réalité de notre marché d’aujourd’hui. Pour autant, nous n’avons bien évidemment pas voulu dégrader notre capacité à accompagner les industriels tout simplement parce que dans un environnement aussi concurrentiel qu’est devenu celui du gaz en particulier, si la moléculede gaz que nous vendons est exactement la même que celle de nos concurrents, il n’en demeure pas moins que notre client attend, certes un prix compétitif pour cette molécule mais également une optimisation de sa consommation d’énergie. Nous essayons donc d’apporter notre expérience et l’historique de notre partenariat avec les industriels au service de cette recherche d’économie d’énergie ».

A CE SUJET, OÙ EN ÊTES-VOUS AUJOURD’HUI DANS VOTRE COLLABORATION AVEC LES INDUSTRIELS FRANÇAIS DE LA CÉRAMIQUE?

Thierry Ginioux : « Dans les années qui ont précédé l’ouverture des marchés, nous avons beaucoup travaillé, en tant que “gazier historique” sur le développement de technologies performantes à destination des industriels de la terre cuite. La conclusion à laquelle nous sommes arrivés à l’issue de ces développements est que, pour atteindre les quelques points de performances encore réalisables, cela nécessiterait des efforts financiers, qui ont été jugés à cette époque pour le moins prohibitif ».



Jean-Christophe Tourel : « C’est vrai qu’il était devenu, notamment en ce qui concerne les briques et tuiles, extrêmement difficile d’améliorer la performance des sites industriels de ces secteurs tant ils avaient équipé et automatisé leurs usines d’équipements performants. Cette optimisation très poussée des économies d’énergies explique peut-être pourquoi, aujourd’hui ces secteurs sont ceux auprès desquels GDF Suez intervient peu en comparaison avec d’autres secteurs d’activités qui étaient moins avancés à ce niveau-là au cours de la dernière décennie ».

MÊME SI LES ENTREPRISES DE LA CÉRAMIQUE SONT ARRIVÉES À UN CERTAIN SEUIL, Y A-T-IL TOUT MÊME ENCORE QUELQUES MARGES DE PROGRÈS À RÉALISER?

Thierry Ginioux : « Oui, bien entendu. Mais ces marges de progression nécessitaient et nécessitent encore de lourds investissements qui ont rendu difficile le montage de partenariats qui autrefois se réalisaient bien plus facilement qu’aujourd’hui. En tant que fournisseur monopolistique, il était normal que nous investissions avec nos clients pour optimiser l’usage du gaz. Dès lors que nous sommes passés dans un milieu fortement concurrentiel, nous ne pouvons plus financer des recherches dont les bénéfices iront à nos concurrents. Je dois avouer que c’est un aspect que nous retrouvons un peu moins dans d’autres secteurs et d’autres matériaux aux problématiques semblables à celles des industries de la céramique, comme par exemple le verre ».

EST-CE QUE LA FUSION AVEC SUEZ A MODIFIÉ LA DONNE EN MATIÈRE DE PARTENARIAT AVEC LES SECTEURS?

Thierry Ginioux : « Tout à fait, c’est indéniable. La fusion avec Suez nous a apporté un regard différent. Avant cette fusion, Gaz de France était très orienté vers l’utilisation du gaz dans les procédés industriels et Suez nous a ouvert des perspectives vers d’autres types de collaboration, notamment vers des sujets touchant à l’environnement, la gestion de l’eau, le traitement des déchets, etc. Des préoccupations qui n’étaient pas les nôtres lorsque nous n’étions que “simples” fournisseurs d’énergies ».
Jean-Christophe Tourel : « Nous avons conservé au sein du Groupe une très importante activité de R&D. GDF Suez dispose de 9 centres de recherche à travers le monde dans les domaines du gaz, de l’électricité, des énergies nouvelles et de l’environnement. Par le biais de réunions trimestrielles régionales, réservées à nos clients, le “Club Efficacité Énergétique”, nous donnons la possibilité à nos clients d’accéder à l’ensemble des compétences et des ressources du groupe GDF Suez en matière d’efficacité énergétique et environnementale.
Ces réunions ont un format très concentré, puisqu’elles ne durent que trois heures, au cours desquelles nous traitons trois sujets précédemment choisis par les membres de ce Club. Nous abordons donc des thèmes aussi variés que la combustion, l’air comprimé, la sécurité, la gestion du cycle de l’eau, la réglementation, etc. L’idée est de proposer des sujets pour lesquels nous avons les capacités d’accompagner nos clients en aval avec des solutions sur-mesure. Ajoutons que la notion de “transversalité” de ces échanges avec des clients venant d’horizons industriels souvent très différents rend ces échanges très constructifs sur fond de benchmark ».

CELA VOUS A-T-IL AMENÉ À ADOPTER UNE APPROCHE CLIENTS DIFFÉRENTE DE CELLE D’AVANT LA FUSION AVEC SUEZ?

Thierry Ginioux : « Oui, le Groupe s’est structuré en mettant enplace une approche sectorielle tant au niveau commercial et marketing qu’au niveau de la recherche. Pour vous donner un exemple,nous allons prochainement organiser, hors de tout contexte commercial et d’objectifs de ventes, des rencontres avec des représentants d’industries, dont la céramique. Nous souhaitons identifier avec eux quels sont les sujets d’actualité qui sont importants pour leurs secteurs, comme par exemple la mise en oeuvre des nouvelles directives européennes, la RT 2012. C’est donc une approche globale des secteurs, via leurs syndicats professionnels que nous réalisons ».

POURRIEZ-VOUS NOUS INDIQUER UN EXEMPLE CONCRET DE CETTE APPROCHE SECTORIELLE GLOBALE?

Thierry Ginioux : « Pour vous donner un exemple représentatif, lorsqu’a été mise en place la directive européenne sur les émissions d’oxyde d’azote, nous avons alors travaillé avec les différents secteurs concernés par cette directive comme la métallurgie, la verrerie, la terre cuite et d’une manière générale, tous les industriels qui recherchaient soit de nouvelles technologies, soit à adapter des technologies existantes pour réduire les émissions d’oxyde d’azote. Ce que je veux dire par là c’est que le fait de bien prendre en compte toutes les contraintes liées à l’utilisation de l’énergie et essayer d’accompagner nos clients en ce sens est inscrit dans les gènes de notre entreprise, ».
Jean-Christophe Tourel : « Nous avons toujours véritablement eu une approche globale des marchés, que ce soit avant l’ouverture à la concurrence ou avant la fusion avec Suez tout simplement parce que nous avons toujours été en concurrence avec d’autres sources d’énergies. Notre souci a donc été et est toujours de faire en sorte que l’énergie que nous commercialisons soit utilisée de la façon la plus optimisée possible ».

MAIS C’EST TOUT DE MÊME UN ACCOMPAGNEMENT QUI VOUS PERMET DE FIDÉLISER VOS CLIENTS ET DONC DE DÉVELOPPER VOS VENTES DE GAZ?

Thierry Ginioux : « Bien entendu, nous sommes fournisseurs de gaz. Cet accompagnement de nos clients et leur satisfaction vis-àvis de ce partenariat sont un élément important dans le fait qu’ils nous soient fidèles. Cela nous a notamment permis de développer nos parts de marché hors France en les accompagnant sur des marchés étrangers. Ce fut par exemple le cas avec Imerys que nous avons accompagné sur des projets en Grande-Bretagne, il y a quelques années. Autre exemple, pour les porcelainiers, nous avons été plus loin qu’une simple prestation de fourniture d’énergie. En effet, dans le cadre de notre accompagnement nous avons développé avec notre direction de la recherche et de l’innovation des équipements destinés à prendre en compte les variations des caractéristiques du gaz pour ne pas déstabiliser le process et ainsi limiter les taux de rebuts. Il s’agissait donc de proposer une prestation “sur-mesure” non pas pour un client mais pour une profession. Le sur-mesure est une notion très importante pour nous, elle fait partie de notre ADN ».

EN CE QUI CONCERNE LES ÉQUIPEMENTIERS, MENEZ-VOUS DES PARTENARIATS OU DES COLLABORATIONS AVEC LES FOURNISSEURS DES FABRICANTS?

Thierry Ginioux : « Nos clients nous demandent parfois de travailler avec leurs équipementiers, parfois ce sont ces derniers qui nous sollicitent directement. La démarche est également parfois engagée par nous-mêmes qui pensons pouvoir apporter des technologies ayant pour but d’améliorer les process, donc les équipements productifs. »

EN FAISANT PREUVE DE PROSPECTIVE, VERS QUELS TYPES D’ACCOMPAGNEMENT CES PARTENARIATS PEUVENT-ILS ÉVOLUER?

Thierry Ginioux : « Engager une collaboration avec des clients sur des objectifs à plus long terme. Je vais illustrer mon propos en vous citant un exemple de partenariat que nous menons actuellement avec un groupe, dont l’activité n’est pas dans le domaine de la céramique, mais qui pourrait tout à fait y être et surtout pourrait avoir les mêmes problématiques. Ce groupe s’est donné l’ambitieux objectif de réduire de 60 % ses émissions de CO2, de 50 % ses consommations d’énergie dans le monde et de substituer une part croissante de ses matières premières par des produits issus du recyclage ».
Jean-Christophe Tourel : « Notre problématique est de pouvoir appliquer à l’échelle européenne un objectif pris à l’échelle mondiale en sachant qu’en Europe nous avons déjà des équipements très performants. Dans nos pays, certains de nos clients souffrent effectivement d’une situation paradoxale : leurs usines sont beaucoup moins rentables que celles implantées dans des pays émergeants et ces usines sont souvent parmi les plus à la pointe sur le plan technologique. Leur marge de manoeuvre est donc des plus réduites ».

IL RESTE TOUT DE MÊME DES ACTIONS POSSIBLES?

Thierry Ginioux : « Bien entendu. Nous menons actuellement des travaux sur des technologies de méthanisation de la biomasse afin de pouvoir utiliser le combustible gazeux issu de cette méthanisation dans des procédés industriels. Nous avons une installation actuellement en cours d’essai au sein de notre direction de la recherche et de l’innovation. Un autre projet, pour lequel nous avons obtenu un financement de la communauté européenne, porte sur l’introduction du combustible gazeux dans un four selon une méthode quelque peu en rupture avec ce qui se pratique actuellement. Mais, en conclusion, on arrive souvent à des limites en matière de progression technologique et les leviers qui restent à notre disposition relèvent de démarches rendues difficiles par les efforts tant financiers que techniques. Je ne dis pas que nous sommes arrivés au “bout du bout” en matière de performance, mais de tels progrès et de telles avancées ont déjà été réalisés. Les actions encore possibles ont tendance à se raréfier et à s’arrêter au stade des études et des audits ».

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